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Towards The Sun
14 novembre 2015

Day 32: An Awful Wonderful Day

Assise à même le sol sur la terrasse, je contemplais le lever du soleil. Cette magnifique vue sur laquelle mes yeux se sont posés chaque matin pendant quatre semaines. Ce petit bout de jardin exotique qui me plaît tant. Ce soleil qui s'élève de plus en plus haut, de plus en plus brûlant. Je contemplais fixement le soleil pour graver dans ma mémoire cette belle image et ne jamais l'oublier.
Et puis, mon coeur s'est resserré et les larmes ont commencé à couler. Non, ce ne sont pas les rayons du soleil, ni le manque de sommeil qui les ont provoquées. Attentats. En cours. Paris. Morts. Otages. J'ai relevé les yeux vers le soleil. Ce magnifique soleil. Ce magnifique jardin. Cette magnifique île. Cette magnifique culture.
Ces mots, ces horribles mots, je n'ai pas eu le temps de les assimiler. Car, pendant que mon pays pleurait, de mon côté, je m'apprêtais à vivre la plus belle expérience à ce jour de mon voyage à Bali.

Lobong Culinary Experience :
Après avoir récupéré Mélody et Charline, un chauffeur de taxi est passé me prendre à l'angle de ma rue. Direction : un marché alimentaire aux alentours d'Ubud. C'est Sang'de qui nous a accueillies... enfin, Sang Made (dans la tradition balinaise, Made étant le prénom donné au deuxième bébé de la famille, Sang'de est donc le cadet de sa fratrie). Il nous a fait faire le tour du marché, présenté (voire goûté) des fruits et des légumes inconnus au bataillon (comme le jacquier ou le fruit serpent) et des épices essentielles à la cuisine balinaise. Dans ce marché, les clients de la famille de Sang'de sont probablement les seuls touristes : autour de nous, il n'y avait que des locaux. La visite a été vraiment très intéressante et très enrichissante.
Pas le temps de nous remettre de nos émotions que les chauffeurs de taxi nous attendaient déjà, serviettes à mains chaudes et bouteilles d'eau fraîches en mains, pour nous emmener au compound de la famille de Sang'de. Histoire de bien nous laisser sur notre petit nuage, les employés nous ont servi une tasse de café balinais ou thé (au choix) et des bananes frites. 
Avant de passer derrière les fourneaux, Sang'de nous a expliqué comment les compounds étaient construits. Malgré mes quatre semaines de résidence au sein d'un compound, j'ai découvert beaucoup de choses, notamment que la maison tout de suite à gauche réservée au chef de famille est plus élevée que les autres ou encore qu'en cas de décès le défunt est allongé sous le temple au centre du compound pour les visites mortuaires avant d'être enterré. Mais la tradition qui m'a le plus marquée va de paire avec la magnifique remarque de Charline : "Quand je vois ce petit garçon courir, je pense à son placenta enterré devant la maison." ! Car oui, dans la tradition balinaise, lorsqu'un enfant vient au monde, sa famille enterre son placenta devant la maison du chef de famille, les garçons à gauche, les filles à droite. Il est ensuite recouvert d'une pierre sur laquelle des offrandes sont déposées chaque jour jusqu'à ce que l'enfant devienne adulte (lorsque le garçon mue ou que la fille est réglée). Boh, après tout, si certains le mangent, pourquoi pas l'enterrer !?
Pour le cours de cuisine, Sang'de a laissé la place à Dewa, son beau-frère, cuisinier. Pendant 2h, on a découvert comment cuire du riz en 1h20 ! À Bali, pas de sachet Uncle Ben's cuit en 10 minutes, la cuisson se fait à la vapeur. On a aussi émincé, tranché, écraser, boulé, fait bouillir ou revenir tout un tas d'ingrédients plus ou moins familiers. Comme on était 11, chacun a mis la main à la pâte, parfois à tour de rôle. C'était vraiment bien organisé. Tout le monde a participé.
Avant de déguster toutes nos créations, Sang'de nous a emmenés voir sa maman déposer des offrandes dans le temple. Évidemment, l'orchestration de la cérémonie (comme l'équipement et l'entretien du compound) était maîtrisé à la perfection (tourisme oblige !), mais mes yeux n'en restaient pas moins rivés sur les gestes de la maman de Sang'de. Je ne me lasse pas de cette tradition. C'est vraiment celle que je préfère à Bali.
Et puis est arrivé LE moment tant attendu de passer à table ! Et j'ai déchanté ! Jusqu'à maintenant, à chaque fois qu'on me servait plat avec une sauce épicée, elle était placée dans un petit ramequin sur le côté. Sauf que là, pas de chance, les petits morceaux de piments étaient mélangés aux autres ingrédients de la salade. Ma tentative pour me forcer a été un échec cuisant : j'y ai laissé ma langue, mon palais, ma gorge, mon nez et mes yeux. Résultat : pour "finir" ma salade, j'ai dû mettre de côté tous les petits morceaux piquants. Bonjour le tri... Mais après, j'ai touuut finiii ! Même le dessert, un pudding de riz noir, servi dans un bol en feuille de bananier avec sa petite cuillère assortie.

Pour digérer un peu, on a demandé au chauffeur de taxi de nous déposer à la forêt des singes plutôt qu'à l'hôtel. Ma mission était simple : ne pas me faire mordre cette fois-ci ! J'ai échappé à la rage une fois, je ne voulais pas tenter le diable une seconde fois. Du coup, dès qu'un singe s'approchait de mon sac, je m'éloignais en toute hâte. Et les petits nerveux qui rodaient, l'oeil aux aguets, autant dire que je les contournais. Même si on n'a pas investi dans les mini-bananes, j'ai quand même eu droit à mon singe sur le bras avec l'aide d'un employé du parc. On a tenté plusieurs photos avec la perche à selfie de Mélody, dont une super réussi avec notre pote le singe au premier plan. Des vraies gosses ! Mais il faut avouer qu'elle a la classe, notre photo !

En fin de journée, on est allées faire un tour au marché d'Ubud, histoire d'initier les filles au marchandage intensif. Comme les vendeurs étaient sur le point de remballer, on s'est littéralement fait alpaguer de partout ! J'en ai profité pour tester les limites de la négociation en matière de pantalons. Apparemment, 40IDR pour un sarouel, ça se tente, mais 30IDR, il y a des limites à ne pas dépasser tout de même ! Après une négociation difficile (les vendeurs-alpagueurs repèrent les marchandeurs novices à 15000km à la ronde et se jettent sur la moindre faille pour nous faire cracher), Mélody et Charline s'en sont plutôt bien tirées : deux sarouels pour 78IDR (4,70€). Chacune le sien.

On est remontées jusqu'à Penestanan à pied pour montrer aux filles l'environnement dans lequel j'ai passé ces quatre dernières semaines et leur faire visiter ma maison. Pas de place pour la nostalgie, en arrivant, j'ai découvert que mon lit était déjà repris. C'est balo, je n'avais pas attaqué mes valises. Valises que j'ai eu vraiment beaucoup de mal à fermer. Elles s'annoncent bien les deux prochaines semaines en mode backpackeuses ! Finalement, je vais peut-être devoir l'acheter le sac de voyage en tissu façon patchwork du marché qui me fait les yeux doux depuis le début de mon séjour...

Après un dernier repas / milkshake aux oréo à Kopi Desa, nous nous sommes entraînées pour Pékin Express ! Vu le nombre de sacs qu'on avait, on voulait un taxi. Quand on est méga chargées, interpeller un chauffeur de taxi est une très mauvaise idée. Les dollars commencent à clignoter dans leurs yeux et leurs tarifs augmentent. Un trajet de Penestanan au centre d'Ubud coûte 50IDR (3€). Alors qu'ils nous sautent dessus d'habitude, ce soir, ils n'était pas décidés et le seul qui nous a approchées ne voulait pas descendre en-dessous de 60IDR. 10IDR, en soit, ça ne représente que 0,60€. Mais, aucune de nous n'ayant apprécié leur attitude envers nous, en mode vous-ne-voulez-pas-payer-10IDR-de-plus-alors-démerdez-vous (du jamais vu sur cette île qui a plutôt tendance à sauter sur le moindre client potentiel !), notre fierté a pris le dessus. Résultat : on est parties à pied, chargées comme des mules, en pensant trouver d'autres chauffeurs de taxi une fois à Ubud. Ah oui, mais nan ! Des chauffeurs, il n'y en a pas eu beaucoup et des tarifs abordables encore moins. À force d'avancer, on se rapprochait tellement de la maison d'hôtes que prendre un taxi était devenu inutile. Au final, on a aura marché, monté et descendu plusieurs rues, les filles, mes petits sacs dans les bras, moi, mes 17kg sur le dos pendant 45 minutes... oui oui, QUARANTE-CINQ MINUTES !!! Pour économiser quoi ? Oh ben... 0,20€ chacune ! Radines ? Nous ? Naaaan !!!

Une fois à la maison d'hôtes (ENFIN !), notre journée magnifique a volé en éclats face à l'horreur dans laquelle notre pays venait de plonger. Le nombre de morts s'était alourdi, les messages de proches des disparus affluaient sur les réseaux sociaux. Et moi, je me suis sentie coupable. Coupable de vivre une expérience aussi magique quand mon pays pleure car, peu importe où le vent me mène, je n'en reste pas moins française. Et quand mon pays s'embrase, c'est mon coeur qui saigne.

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